INSTITUTEURS 14/18

Instituteurs témoins de leur temps


Les instits nous parlent de leur école

Vu sur la toile. Un document des Archives Départementales de Haute Garonne

 

 

ICI

 


28/09/2021
0 Poster un commentaire

Instituteurs en guerre !

Continuons donc à faire plus ample connaissance avec nos instituteurs en guerre et essayons de brosser un portrait type.

 

Nous appuierons notre propos  sur la base de données du "Livre d'or des personnels de l'Instruction Publique" et quelques ouvrages de références

 

Rappelons pour mémoire que ce ne sont pas moins de 35 000 instituteurs qui seront mobilisés lors de ce conflit sur un corps enseignant qui comptait à la veille de la guerre près de 200 000 instituteurs et institutrices. A l'arrière , demeurent les instituteurs non mobilisés dont presque trois quarts sont des femmes. 

 

A l'instar de ses congénères, ce sont les classes de 1889 à 1919 qui seront mobilisées au cours du conflit c'est à dire des hommes agés de 19 ans pour les plus jeunes et de  45 ans pour les plus anciens , ces derniers étant affectés à des tâches subalternes mais ô combien essentielles.

 

Quoiqu'on ait pu nous faire croire ou penser , notre instituteur n'est pas un va-t'en-guerre .Républicain convaincu proche des milieux radicaux de l'époque, pur produit de l'Ecole laïque qui a formaté des générations d'élèves à la revanche, son passage par l'Ecole Normale va au contraire  au contact de ses pairs et de ses formateurs, en faire un pacifiste engagé.. Les valeurs d'humanisme et de paix qu'il véhicule alors auprès de ses élèves transparaissent alors tant  dans les manuels   que dans les programmes scolaires de l'époque.

 

En 14,  la majorité des instituteurs part également "la fleur au fusil" dans un même élan patriotique. ce qui peut paraître paradoxal au regard de leurs convictions. Car  notre instituteur ne va pas se battre pour faire la guerre , mais il va se battre pour la Paix. Patriote certainement mas pas revanchard pour deux sous !

 

Même si toutefois, une minorité d'entre eux restent fidèle à la cause pacifiste, on ne peut remettre en cause l'engagement des instituteurs dans ce conflit tant au front qu'à l'arrière. Pour preuve le lourd tribu payé par ces derniers : 8419 tués; soit plus de  22% des mobilisés "moyenne supérieure de trois points et demi à la moyenne nationale" (1) et qui constitue "un des corps de métier les plus touchés par la guerre" (2)

Cette abnégation et cet engagement au combat  sont d'ailleurs salués et montrés en exemple par l'institution. 

 

Emmanuel SAINT-FUSCIEN (1) note plusieurs  caractéristiques liées à nos instituteurs.  : s'ils sont soldats , ils n'en restent pas moins des éducateurs et des pédagogues y compris sous le feu de l'ennemi. En témoigne leur désarroi face aux  bâtiments scolaires détruits et une certaine forme de paternalisme auprès de très jeunes soldats qu'ils ont  sous leurs ordres . Deuxième caractéristique, la maîtrise de l'écriture qui va permettre "aux instituteurs , de remplacer les sous officiers et officiers sulbaternes d'active tués ou blessés au début de la guerre" (1). Enfin dernière caractéristique, leur rapport à l'autorité et la hiérarchie . Maître dans sa classe mais sous la férule du directeur de l'école et l'autorité  de l'inspecteur, ils se révèleront d'excellents meneurs d'hommes.

 

Mais c'est davantage la mobilisation et le soutien des maîtres et maîtresses de l'arrière qui va contribuer à forger la figure héroïque de l'instituteur combattant. 

Mais cette image idyllique va se ternir dès 1915 alors que le conflit se prolonge et s'enlise progressivement dans les tranchées. A l'arrière, si les maîtres et les  maîtresses continuent concrètement  à soutenir leur collègues et le moral des enfants et des familles, une minorité agissante issue du mouvement syndical et de la mouvance anarchiste devient de plus en plus critique et "manifeste son hostilité face à la prolongation du conflit" (2).

 

Paralèllement, dans les écoles, les nouvelles injonctions du Ministère visant à transformer les enseignants en acteurs de la propagande officielle passe mal. et sont en totale  " opposition aux valeurs humaines, pacifiques voires patriotiques transmises par les manuels" scolaires d'avant guerre.(2)D'ailleurs, dès 1916 les apprentissages traditionnels reprennent progressivement leur droit.

 

En 1917, le milieu des instituteurs pacifistes est alors qualifié d'ennemi de l'intérieur" (4) et de "défaitiste". Pour les autorités, l'Ecole est devenue un repaire d'activistes  qui présente "un danger national véritable" (2). Les sanctions et les mises à pied  pleuvent,....De là à"gangréner" les tranchées, il n'y a qu'un pas.

 

La cause est entendue, l'instituteur est l'homme à abattre. Fusillé pourl'exemple, Théophile  Maupas(3) aura-t-il fait les frais, malgré lui, de cette chasse aux sorcières ! 

 

Mais le mouvement pacifiste, les mutineries de 1917 dans les rangs des armées ne seront pas pourtant l'apanage des seuls instituteurs ! 

 

Après guerre, les 23 000 instituteurs "revenus de l'enfer", forts de leur expérience, font oeuvre mémorielle et s'engagent un peu plus encore dans la condamnation de la guerre pour mener un nouveau combat et "faire de la paix un objet pédagogique"(2).C'est aussi le moment que choisit  la corporation des instituteurs et des institutrices pour s'organiser et qui se concrétisera  par la création du Syndicat National des Instituteurs. 

 

Parmi eux, des pédagogues* investis, engagés et non des moindres ont voulu inventer une éducation nouvelle fondée sur la coopération et le "vivre-ensemble"  qui empêcherait ce type de tragédie de revoir le jour. (5)

 

Pourtant, 20 ans après, l'histoire se répètera !

 

* Rudolf Steiner, Maria Montessori, Célestin Freinet, Alexander S. Neill, Ovide Decroly, Paul Geheeb ou Janusz Korczak.

 

 

 

(1) Emmanuel SAINT-FUSCIEN, Les écoles dans la guerre , Chapitre 9, Presses Universitaires du Septentrion, 2014

(2) Galit HADDAD ,Les écoles dans la guerre , Chapitre 10,Presses Universitaires du Septentrion, 2014

(3) Théophile MAUPAS "instituteur fusillé pour l'exemple"

(4) déclaration ministérielle de Georges Cémenceau (1917).

(5) Louise Touret

 

Quelques chiffres

 

Instituteurs mobilisés :  34480

Tués : 7407

Blessés : 9604

Départements d'exercice  les plus touchés : Paris / Nord / Seine-Maritime / Pas de Calais / Vosges / Finistère...

 

 

Sources : 

Livre d'or des personnels de l'instruction publique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


28/11/2019
0 Poster un commentaire

Instituteurs, témoins de leur temps !

 

La parution récente de livres  sur nos villes et villages renoue avec une vieille tradition : celle des monographies locales, domaine quasiment réservé avant la première guerre mondiale, des "Hussards Noirs de la République".

 

Encouragées par l'inspection Académique, la rédaction de ces monographies feront même l'objet d'un concours national au cours de l'Exposition Universelle de 1900.

 

A cette occasion, ce sont les instituteurs de la Seine et Oise (aujourd'hui le Val d'Oise) qui remportent le grand prix du concours avec 689 monographies de communes réalisées à la demande du Ministère de l'Education Nationale.

 

Quelles ont été les raisons de cette profusion et de cet engouement pour les monographies ?

 

Francine MUEL-DREYFUS (1), dans un ouvrage(2)  apporte deux éléments réponses :

 

La première résulte d'un déracinement culturel lié à une double appartenance sociale : celle de l'origine paysanne des instituteurs et celle du nouveau statut social qu'ils occupent dans la société villageoise de l'époque. Ce déracinement est d'autant plus fort que l'Inspection ne favorise pas le rapprochement familial ; ainsi, il n'est pas rare de voir ces instituteurs changer fréquemment d'affectation , tout en restant dans leur département d'origine, n'obtenant qu'en fin de carrière un poste qui les rapproche de leur village natal.

 

"En quelque sorte migrants par profession, contraints à s'installer plusieurs fois au cours de leur vie dans ces maisons d'écoles nouvelles et toujours identiques-l'exercice de leur métier les oblige à un travail de deuil... "(3)

 

L'histoire familiale et le déracinement sont au centre de l'histoire locale.

 

La deuxième explication, quant à elle, est beaucoup  plus terre à terre : elle correspond à une demande des fractions républicaines des débuts de la 3ème République. " Les travaux d'histoire locale...constituent autant d'arguments dans la 

lutte.. qui oppose les républicains aux conservateurs (4).

 

En effet, et les généalogistes le savent bien, la constitution et le traitement des archives locales étaient sous l'ancien régime l'apanage des prêtres. L'instituteur, quant à lui, sera tout naturellement désigné, au travers de son rôle naissant de secrétaire de Mairie, pour être l'archiviste de la République ! C'est une compétition qui s'instaure entre l'Eglise qui revendique la Tradition et "l'Ecole qui guette l'évolution quant aux méthodes et aux agents  garants d'une bonne histoire locale".(5)

 

Quand elles n'ont pas disparu, la monographies des instituteurs ont été versées aux AD par les Inspections Académiques ! Au même titre que l'Etat Civil on retrouvera les monographies de l'ancienne et Seine et Oise réparties sur les départements de l'Ile de France créés avec la réforme territoriale de 1968.

Elles ne sont que quelques AD à avoir mis en ligne les monographies des instituteurs. Pour en savoir plus sur la sujet, on pourra se rapporter au blog de Cyril Davy

 

Le généalogiste devra également consulter les inventaires des fonds des Archives Départementales pour avoir une chance de les repérer. Ils devront également se tourner vers les bulletins des Sociétés Savantes très fréquentées par les instituteurs de l'époque. Ils sont également conservés aux AD.

 

D'autres pistes sont à explorer comme la série T des A.D. consacrée à l'Enseignement.

 

L'I.N.R.P.* conserve quant à elle, les monographies des Ecoles Normales.

 

(1) Francine MUEL-DREYFUS, sociologue, Chef de travaux au Centre de sociologie de l'éducation et de la culture de l'école des hautes études en sciences sociales.

 

(2),(3),(4),(5) "Le métier d'éducateur" Editions de Minuit.(1983)

 

* Institut National de Recherche Pédagogique.

 

 

Pour aller plus loin :

 

"La Vie Quotidienne des Premiers Instituteurs 1833-1882" de Fabienne Reboul-Scherrer  France Loisirs.(juin 1990)

 

La République des instituteurs, Mona Ozouf et Jacques Ozouf, Gallimard, 1989.

 

 

 


12/11/2019
0 Poster un commentaire