Les instituteurs, témoins de leur guerre !
Les poilus ont été très prolifiques et nous ont laissé nombre de témoignages de leur guerre sous forme de correspondance ou de carnets pour peu qu'ils maîtrisaient l'écriture. Encore que le mythe du poilu illettré et/ou analphabète doit être battu en brèche. En effet ils étaient tous passés par l'Ecole de la République et savaient lire et écrire. A titre d'exemple , sur les 316 200 hommes qui constituèrent la classe de 1910, 2,79 % ne savaient ni lire et écrire (8808) et 1,14 % savent lire uniquement (3607). (1)
Mais tous ne maîtrisaient pas pour autant toutes les subtilités du français dans des régions ou le patois ou la langue régionale étaient encore très usités. Les instituteurs mobilisés en 14 quant eux maîtrisaient l'écriture sans problème et nombreux ont été ceux à nous laisser leurs témoignages sur cette apocalypse qu'a été la Grande Guerre qu'ils aient été en première ligne ou à l'arrière.*
Il ne s'agit pas ici de recenser tous les carnets de guerre, d'autres sites depuis longtemps l'ont déjà fait ou tenté de le faire-le site le "Le_Chtimiste" en a mis à ce jour 264 en ligne-, d'autres ont été édités , mais de faire un focus sur les carnets de guerre des instituteurs en commençant par les plus emblèmatiques qu'il aient fait l'objet d'une édition ou non.
Cette liste n'est pas exhaustive et est appelée à s'étoffer au fur et à mesure de nouvelles découvertes.
Louis PERGAUD, Carnet de guerre, Paris, Mercure de France, 2011, 157p.
Célestin FREINET, Touché ! Souvenirs d'un blessé de guerre, Atelier du Gué, Villelongue d'Aude, 1996, 104p.
Carnet de campagne, 6 avril 1918. Document non publié déposé aux AD des Alpes-Maritimes.,
Albert THIERRY, Les carnets de guerre,
Marc DELFAUD, Carnets de Guerre d'un hussard noir de la Republique, Paris, éditions italiques, 2009, 680p.
René CLERGEAU, Les carnets de René Clergeau 1914-1919, La guerre au jour le jour, René Clergeau et Jea-Marc TRUCHET, La plume du temps, coll, Histoire, 2001, 338p.
Michel MAUNY, Emile et Léa. Lettre d'un couple d'instituteurs bourguignons dans la tourmente de la Grande Guerre, Montrouge, Migennes, 2007
Georges CAUBET, Instituteur et sergent. Mémoires de guerre et de captivité, Carcassonne, Fédération audoise des Oeuvres Laîques, coll. La mémoire de 14-18 en Languedoc, 1991.
Gaston NITZER, Journal de guerre de Gaston Nitzer, 1914-1918,
Erich Maria REMARQUE, A l'ouest rien de nouveau,Poche, 1973. Après, Gallimard, 2014, 400p.
Alfred ROUMIGUIERES, Un instituteur à la guerre 1914-1918,Extraits des carnets et de la correspondance d'Alfred Roumiguières choisis et rassemblés par Jena-Louis PIOCHE à se procurer auprès de la Société Culturelle du Pays Castrais.
Ulysse ROUARD, " La malette bleue, un instituteur picard au front" de Murielle Lebrun et Laurent Soyer aux éditions de la librairie du labyrinthe" (recueil des souvenirs d'Ulysse ROUARD.
Anatole BOUVE, Instituteur à Coudekerque-Branche (59) carnet de guerre sur le Chtimiste.
Alphonse TORT, Instituteur de l'Aude, souvenirs de guerre rassemblés par sa fille Simone TORT-DUBOIS dans "Rouge Garance", 2018,174p. disponible auprès de l'auteur.
Alban AGARD instituteur de Gironde blessé à Verdun.
Jean HUSTACH, Brancardier à Verdun. Journal inédit / juin-août 1916, Présenté et établi par Jean-Noël Jeanneney, Dossier Arnaud Carobbi, Editions Portaparole, Arles, Collection I venticinque, 2016, 115 pages.
Louis ROUSSILLAT (pseudo : MASGELIER) , Carnets d’un Creusois dans la Grande Guerre 1916-1918, présentés par Jacques Roussillat, Neuvic-Entier, Éditions de la Veytizou, 1996
Louis HOBEY, La Guerre ? C’est ça ! …, Editions Plein ChantCollection « Voix d’en bas », 2015, 350 p.
Armand FONTAINE “Si jamais tu lis ces lignes, maudis la guerre…”. Amand Fontaine, un instituteur breton dans la première bataille d’Ypres avec le 76e RIT de Vitré (octobre-novembre 1914) », Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine, 2012, p. 287-315. (source Yann LAGADEC)
Adrien ALMARIC témoignage réunit dans "C’était 14. Les événements et, parallèlement le carnet de guerre d’Adrien Amalric. de Adrien BELANGER Auto-édité, cet ouvrage de 303 pages a été imprimé chez Chaumeil à Clermont-Ferrand.
Jules LACHIVER Lettres de guerre (août 1914-mai 1915) de Jules Lachiver,
déclaré « mort pour la France » le 9 mai 1915,
Bretagne 14-18, 2000, 31 pages 21×29,5 ISBN : 2-913518-12-5
Pierre BELLET Marc dos Santos, Les mémoires de la Grande Guerre de Pierre Bellet, adjudant au 96e régiment de Béziers, mémoire de master, Université de Toulouse Le Mirail, 2007, 287 p.
Alphonse MARCQ Journal d'un" instituteur" de Craonne. Transcription conservée à la Mairie de Craonne(02).
Albert JURQUET Jean Guiloineau, Guerre à Mende, Journal de l’arrière, 1914-1918, Albert Jurquet, Toulouse, Privat, 2014.0
Henri ANDRIEU carnet de l'arrière
Ernest CHAUSSIS Journal du poilu Chaussis, inspecteur primaire normand, Louviers, Ysec, 2004, 366 pages.
Bernard Henri CROSTETémoignage publié à titre posthume. Pour la France ou pour des prunes. Souvenirs et réflexions d’un poilu pyrénéen, Sorèze, Anne-Marie Denis Editeur, 1999
Edouard COEURDEVEY Carnets de guerre 1914-1918, Un témoin lucide,Coll "Terre Humaine" Paris, Plon, 2008, (préface de Jacques Marseille).
Justin GIBOULET par Solene BOITREAUD, mémoire de maîtrise vol 1 dans Les Carnets de guerre (1914-1917) de Justin Giboulet, sergent mitrailleur dans les Vosges, Université de Toulouse Le Mirail, 2000, 139 p
Marie-Auguste COLLOMP Un instituteur provençal dans la Grande Guerre : Marie-Auguste Collomp. Lettres à Léontine, 1914-1915 dans les cahiers de Haute-Provence, n°3 à Forcalquier publié en 2004.
Arnaud POMIRO Les carnets de guerre d’Arnaud Pomiro, Des Dardanelles au Chemin des Dames, Toulouse, Privat, 2006, 392 pages.
Marius PIQUEMAL dans le Bulletin de la Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, 1996, p. 21-65, avec un portrait de Marius Piquemal par Louis Claeys.
Louis MARCEAU carnet de guerre collection privée.
Georges LEROY Journaux de combattants et de civils de la France du Nord, par Yves LEROY ntroduction et notes d’Annette Becker, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1998, p. 108-158.
Zacharie BACQUE Journal d’un poilu, août 1914-décembre 1915, Paris, Imago, 2003, 221 p., présentation d’Henri Castex.
Emile MORIN Lieutenant Morin, combattant de la guerre 1914-1918, Besançon, Cêtre, 2002, 336 p., illustrations.
Georges CAUBET Georges Caubet, Instituteur et sergent, Mémoires de guerre et de captivité, présentés par Claude Rivals, Carcassonne, FAOL, collection « La Mémoire de 14-18 en Languedoc », 1991, 135 p., illustrations.
Maurice WULLENS, Pages de mon Carnet, souvenirs de voyage, de campagne et de captivité, 1920. Paris Éditions de la Revue Littéraire des Primaires Les Humbles.
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sources : Collectif de recherche International et de Débat sur la guerre de 1914-1918 (CRID)
"Les ecoles dans la Guerre" ouvrage collectif sous la direction de Jean-François CONDETTE au Septentrion Presses Universitaires, 2014.
Wikipédia, documentation personnelle, Archives départementales.....
Gustave H.
De la classe 1913, Gustave est élève-maître à l'école Normale d'Arras lorqu'il est appelé sou les drapeaux. Au titre de l'Article 21 qui permet aux futures maîtres de différé leur incorporation, Gustave arrive au corps à compter du 21 août 1914. Après avoir effectué ses classes à Cognac (1) il est versé au 33 Régiment d'Infanterie commandé juste avant son arrivée par un certain colonel Philippe Pétain. C'est également le régiment d'un certain Charles de Gaulle. On ne sait pas si ils se sont connus mais ils s'y sont probablement croisés. En novembre 1914, il est nommé caporal.
Il aurait connu le baptème du feu en août 14 devant Dinant en Belgique mais plus vraisemblablement début 1915 dans l'Aisne du côté de Berry-au Bac où son régiment stationne.
En Avril 1915, on le retrouve sur le secteur de St Mihiel / Commercy au sud de Verdun où il est blessé par un éclat d'obus à l'épaule gauche.
En février 1916, il est dans l'enfer de Verdun. En huit jours le 33ème RI perdra 33 officiers et pas loin de 1500 hommes.
Entre Avril et juin 1916, son régiment se posera dans les Ardennes sur le secteur de Vendresse, avant d'aller combattre dans la Somme.
L'année suivante son régiment s'installe au Chemin des Dames et l'inutile et terrible offensive Nivelle en avril 17 puis retour dans les Flandres. Dans l'intervalle, Gustave est promu sergent en février et aspirant en jullet 1917. En novembre 1917 il se distingue et est décoré de la Croix de Guerre étoile d'argent avec citation.
Retour au Chemin des Dames, il est grièvement blessé en juin 1918 près de Chaudun il retourne à l'arrière puis est détaché au dépôt d'Excideuil le 10 avril 1919. Il est promu sous-lieutenant de réserve en mars 1919 mais devra encore attendre jusqu'à août 1919 avant d'être démobilisé et d'entamer sa carrière d'instituteur en Indre-et-Loire. Sitôt libéré de ses obligations militaires il épouse Antoinette Patrice elle même institurice. Le couple passera toute leur carrière de maître et maîtresse d'école en Touraine exerçant entre 1919 et 1950 dans 6 lieux différents. Promu lieutenant de réserve en 1925, Gustave sera même décoré de la Légion d'Honneur. Cent ans plus tard son petit fils François deviendra le 7ème président de la 5ème République. Gustave HOLLANDE car il s'agit bien de lui décèdera le 20 septembre 1984 à l'âge vénérable de 91 ans.
fiche matricule de Gustave HOLLANDE
Joseph SOURDAINE mort à Verdun.
L'histoire est belle....
En 2001, le directeur de l'école de Pleven (Côte d'armor) rnouvellement nommé n'en croit pas ses yeux lorsqu'il retrouve au fond du tiroir de son bureau une médaille en bronze !
source : Christian Sourdaine
Depuis 84 ans cette distinction décernée en 1920 à titre posthume par l'Instruction Publique à Joseph Sourdaine instituteur de Pleven mort à Verdun en 1916 dormait là et n'était jamais parvenue à ses descendants.
Féru d'histoire, notre directeur d'école entame des recherches et parvient facilement et grâce à internet à retrouver son petit fils qui a retracé sur la toile le parcours miltaire de son grand-père.
Joseph Marie François SOURDAINE nait le 3 juin 1882 à la Chapelle-Blanche dans les Côtes d'Armor. Il est le fils aîné de Marie-Ange SOURDAINE, Boucher et Tisserand, et de Victorine Marie Joseph PITON, son épouse.
Il intègre l'Ecole Normale de St Brieuc vers 1899 et il en ressort en 1901 avec son diplôme d'instituteur.
De la classe 1902, il est appelé à effectuer son service miltaire. De santé fragile, il est classé "service auxiliaire".
Exempté, il retourne à la vie civile et exerce tout d'abord à Yvignac (22). En 1904, il est affecté à l'école d'Eréac (22); il y restera jusqu'en 1907 date à laquelle il est muté à Langourla (22) où il rencontre celle qui allait devenir son épouse. Marie-Louise LE MEN et Joseph SOURDAINE se marient le 30 juillet 1907. De cette union naitront 3 enfants : Jean en 1908 et Louis et Pierre en 1911.
Marie-Louise LE MEN décède en juillet 1912. Veuf, Joseph fait appel à sa mère pour l'aider à s'occuper des enfants.
En 1913, il est nommé à l'école de Pleven.
En tant de paix, Joseph aurait pu bénéficier du statut de "soutien de famille". Mais en tant de guerre point de salut et les autorités militaires se rappellent à son bon souvenir. Le 30 octobre 1914, la commission de réforme de Dinan le déclare apte et le rappelle à l'activité. Les premiers mois de la guerre ont été terrible en pertes humaines. La classe 14 a été particulièrement décimée et l'armée rappelle tous les hommes qui en temps normal auraient été ajournés ou dispensés.
La suite nous est racontée par son petit-fils Christain Sourdaine dans "Joseph Sourdaine, instituteur public mort à Verdun"
Joseph Sourdaine est blessé le 10 avril 1916 au pied du Mort-Homme. Il décèdera des suites de ses blessures le lendemain à l'hôpital de Vadelaincourt.
La médaille commémorative de bronze a aujourd'hui repris la place qu'elle n'aurait jamais du quitter :au dessus du tableau noir de la classe !
Joseph Sourdaine
1882-1916
Pour en savoir plus :
Le site de Christian Sourdaine
Les Côtes d'Armor dans la guerre
Bibliothèque Diderot de Lyon
"Depuis 2005, la Bibliothèque Diderot de Lyon s'est engagée dans plusieurs programmes de numérisation :
Les collections en Education rendent accessible à distance un corpus documentaire utile aux chercheurs en sciences de l'éducation, aux acteurs du système éducatif, aux historiens, et aux publics intéressés par les questions d'éducation et de pédagogie."
Louis Bernard (1892-1917) un instituteur breton à la guerre
Sur le blog de "Quéméven 14-18", Yveline Legrand nous raconte l'histoire de Louis Bernard un enfant du pays, instituteur tué en Mars 1917 dans l'Aisne.
source : coll : A.M.GOALES